Un tramway nommé nonante

Comme promis à certains amis du rail que j'ai rencontré ce dimanche, je post sur mon blog l'article qui paraîtra ce lundi matin dans la DH. Le eMich a lui aussi mis un billet en ligne.

Une ligne mythique s’en est allée hier soir des tableaux de la Société des transports intercommunaux bruxellois (Stib). La ligne 90, qui effectue la jonction Rogier – gare du Midi, a disparu, entre autres, sur l’autel de la vitesse commerciale.

Créée en 1910, la ligne aura connu quelques variantes mais aura gardé la volonté de joindre le Nord et le Midi en effectuant une grande boucle. Ce matin, cette ligne ne sera plus. Sa mission sera assurée par la nouvelle ligne 25 entre Rogier et Buyl et par la ligne 23 entre Buyl et la gare du Midi.

Hier soir, nombreux étaient les amis du rail à parcourir les derniers trajets des trams de la série 7000 qui desservaient la ligne 90. À 19 h 30, au départ de Rogier, ils étaient quatre, venus pour lui rendre un dernier hommage. Pourquoi à cette heure-là ? Parce que c’est à ce moment-là que part le dernier tram qui effectue le trajet complet jusqu’à la gare du Midi. Les suivants s’arrêteront plus tôt, à l’arrêt Berkendael.

Jean-Pierre est carrément venu de la Roche-en-Ardenne pour l’occasion. “Je ne voulais pas rater cela, explique-t-il. C’est une ligne mythique que je connais depuis tout petit. Elle passait en bas de chez moi, à Meiser. Ce soir (lire hier), j’irai faire une photo du tout tout dernier 90 qui rentrera au dépôt…”

François est devenu tramophile lorsqu’il était étudiant. “Un ami m’a emmené faire un tour dans le dernier tram 35 et depuis je suis passionné, sans être complètement accro. Pour le 90, je vais faire l’aller-retour, puis je vais rentrer chez moi. Je travaille tôt. Dommage car j’aurais aimé être là pour le dernier hommage qui lui sera rendu ce dimanche soir à 23 h 30.”

René, lui, se rappelle avoir un jour accroché, place de la Patrie à Schaerbeek, une voiture avec le 90. Le pensionné en a encore le sourire aux lèvres. Lui non plus ne voulait pas rater ce dernier trajet.

Un parcours qui n’aura pas été sans embûches. Le conducteur du tram, Nasser, un bonhomme aux trente années de carrière bien tassées, mettait la gomme. “Je suis en retard sur l’horaire, il faut donc foncer… Sinon je n’arriverai jamais à l’heure.”

S’il restait prudent, un conducteur d’une société de dépannage de voitures a bien failli arrêter la course du tram 90 en beau milieu de l’avenue Rogier, à Schaerbeek. “Il faut toujours prévoir ce genre de fou, poursuit Nasser. Heureusement, il ne s’est rien passé. Cela aurait été bête pour le dernier 90. Il va me manquer celui-là… Trente ans que je le conduis !”

Et pendant le trajet, les tramophiles n’ont eu de cesse de photographier ce tram ainsi que d’y monter pour un dernier voyage.

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