Exproprier ou ne pas exproprier ?
Les derniers irréductibles propriétaires du Quartier commencent à passer devant le juge de paix. Ils en veulent beaucoup à Charles Picqué, qui mène, à la commune de Saint-Gilles et à la Région bruxelloise l'énorme projet situé en face de la Gare du Midi.
Cela fait quinze ans qu'on leur dit qu'on va les exproprier. Cela fait quinze ans qu'ils attendent. Et maintenant, ils crient au hold-up ! "Charles Picqué a lancé un projet comme bourgmestre de Saint-Gilles, puis il l'a transmis à Charles Picqué, ministre-président de la Région bruxelloise", lance un riverain propriétaire d'un snack dans le Quartier Midi à Saint-Gilles. Lui et d'autres pointent du doigt le socialiste comme étant le responsable de tous leurs tracas.
Promulgué par le gouvernement bruxellois le 18 juillet 2006, le plan d'expropriation prend fin le 1er novembre de cette année, soit dix ans après avoir été rendu officiel au Moniteur. D'ici là, il reste une trentaine de propriétaires à exproprier sur quelque 140 au départ.
En juillet ont eu lieu trois expropriations judiciaires. Pour trois bâtiments qui se trouvent dans l'îlot C, celui situé entre les rues de Mérode, d'Angleterre, de Hollande et l'avenue Fonsny. "Cela fait 17 ans que j'habite ici rue d'Angleterre, explique monsieur Bouali. Le juge de paix est venu chez moi pour me signifier que je me faisais exproprier en extrême urgence. Il m'a fait une offre, que j'ai refusée. Maintenant, je vis toujours au-dessus de mon épicerie mais je ne suis plus chez moi. Tout ça en 24h !"
Où est l'urgence ? Cela fait dix ans que cela dure
Le Comité Quartier Midi, Inter-Environnement Bruxelles et le Bral se sont associés pour dénoncer ces expropriations. "Cela fait dix ans que ce plan d'expropriation est appliqué de manière aléatoire, explique les représentants de ces associations. Dix années pendant lesquelles il n'y a pas eu assez de discussion ni de concertation. Dix années pendant lesquelles on a oublié les habitants de ce quartier, abandonnés sur l'autel de la spéculation. Pour finir, la Région bruxelloise exproprie les derniers habitants du quartier en extrême urgence. Où est l'urgence ? Quel est l'intérêt collectif qui prévaut sur la vie de ces gens ?"
La majorité de propriétaires qui n'ont pas encore vendu leurs biens à la SA Bruxelles Midi, société régionale qui a pour mission d'acquérir, d'assainir et de mettre en valeur les terrains du quartier, ne se satisfait pas des offres faites par cette SA ni de celles du Comité d'acquisition, dépendant du ministère des Finances. Celui-ci ayant repris la main à Bruxelles Midi.
"Les pratiques de cette société sont maffieuses, s'exclame un propriétaire. Il y a quinze ans, on nous a dit qu'on allait nous exproprier. Puis ils ont envoyé des courriers aux locataires pour leur dire de partir, ce qu'ils ont fait. On nous a interdit de faire des travaux. Et maintenant, on veut nous faire une offre sur un bâtiment qui a subi le temps, c'est du vol !"
Inter-Environnement, le Bral et le Comité Quartier-Midi ont émis le souhait que la Région s'interroge très sérieusement sur l'utilité d'encore exproprier les trente propriétaires restants. Ils proposent qu'on rénove les biens situés dans les superficies affectées au logement
A Saint-Gilles, on n'accepte pas vraiment les accusations proférées à l'encontre de Charles Picqué et de la Région. "À l'heure actuelle, une centaine d'immeubles ont été rachetés. Les trente qui restent sont des cas difficiles. Mais ils ont tous reçu des propositions correctes de Bruxelles Midi et du Comité d'acquisition. Et l'antenne sociale a aidé de nombreux locataires. Nous n'avons abandonné personne ! Exproprier quelqu'un, ce n'est pas facile mais il faut le faire. Surtout que dans les cas ici présents, des permis d'urbanisme pour divers projets, dont un de 40.OOO m2 pour l'îlot C, devraient être déposés bientôt."
Jacques Van Grimbergen, président de la SA Bruxelles Midi, rappelle, lui, que Bruxelles Midi a été victime d'un sous-financement. En 1996, quelque 75 millions de francs belges avaient été prévus pour la capitalisation de la société. Celle-ci devait être refinancée. Mais voilà, en 2000, ce sont les libéraux qui ont pris le pouvoir à la Région. Et ils n'ont pas soutenu le projet du socialiste Picqué... Celui-ci est revenu aux affaires en 2004. "En 2005, nous avons enfin reçu les moyens d'achever le plan d'expropriation, déclare Jacques Van Grimbergen. Nous avons donc mis les bouchées doubles pour terminer dans les temps." A la question de l'utilité de l'extrême urgence, il répond que c'est juste une procédure qui évite de faire traîner une expropriation sur plusieurs années...
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